Un village se mobilise pour ses réfugiés

Depuis des années, le peuple suisse vote des restrictions au droit d’asile. Dans le discours politique, on entend souvent dire que la barque est pleine. Pourtant, quand soixante requérants d’asile débarquent dans l’abri de protection civile d’un petit village de la côte vaudoise, les habitants se mettent en quatre pour améliorer le quotidien de leurs nouveaux voisins.
Les relations humaines peuvent-elles changer notre regard sur les migrants? Faut-il développer une éthique de l’asile pour guider nos lois ?

Voir la vidéo du reportage de Nicolas Pallay à l’abri PC de Crans-près-Céligny,

(suivi d’un débat avec Johan Rochel, éthicien à l’Université de Zürich, et Alain-Tito Mabiala, journaliste et requérant d’asile congolais).

Des témoignages en vidéo...

Vidéo tournées cet été dans les ateliers d'intégration des jeunes réfugiés de la guerre, arrivés à Genève du moyen Orient.

Témoignage d’un bénévole des ateliers de français

« […] Je débarque du bus au Lagnon, à 14h15 cet après-midi lundi. J’attends deux minutes et comme B. ne se présentait pas dans la cour, en bas, je monte l’escalier pour entrer dans le foyer. Le diable se cache dans les détails […] : la porte est fermée et on ne peut l’ouvrir que de l’intérieur. Je frappe, rien... J’attends, je refrappe, et à un moment un migrant me voit depuis l’intérieur.
Il vient m’ouvrir. Je monte et cherche la chambre 217. Je vois les numéros 8, 9, 10, 11, quelque chose comme ça. Puis, en regardant bien, 313, 314, 315, ... Gasp !
J’interroge les gens que je vois mais personne ne connaît mon B., que je prononce d’autant moins bien que j’ai oublié chez moi mon papier avec son nom ! Je fais recours à l’assistant social, qui trouve le nom d’après le numéro de chambre, et qui m’indique que les numéros 3… sont les anciens numéros de l’hôpital. (Ce qui montre que certains se fichent pas mal du côté administratif de ce logement.) Je finis par trouver la porte, où je frappe.
Pas de réponse. Je ne m’en fais pas du tout, croyez-le bien, mais je décide de ne pas quitter la partie aussi vite. Je vais boire un café à l’hôpital, puis je reviens un moment après. Porte du foyer fermée de nouveau. Le même migrant me revoit et m’ouvre encore. (Non, je ne possède pas de portable et ne peux donc pas appeler le numéro indiqué sur la porte.) Je retourne à la chambre 217. Personne. Je vais indiquer au personnel logé au premier (assistant social et une autre employée) que je suis passé.
S’ils voient ce B., qu’ils lui disent si possible que je l’ai attendu. Et voilà que trois migrants sortent d’une chambre. « Le voilà, B. ! », s’écrie l’assistant social. Merci, je dis bonjour à mon « protégé », lui rappelle que nous avions rendez-vous. Bon, que fait-on maintenant ? On va boire quelque chose à Onex ?
Il comprend mal ou pas du tout. Son copain qui sait un peu mieux le français lui explique.
Mais B. a un rendez-vous à l’hôpital ! Bon, tant pis, « mais vous, vous voulez venir avec moi à Onex boire quelque chose ? », demandais-je. Il est partant, l’autre. Et un autre aussi. Alors nous partons, après que je me sois assuré que cela leur convenait vraiment.

Nous allons prendre le bus à l’arrêt « Loëx-Hôpital ». Nous nous mettons en branle les quatre, B. (j’imagine qu’il va nous quitter à l’hôpital), T. et M. Au moins je ne serai pas venu pour rien et cela occupera deux migrants. à l’arrêt de bus, devant l’entrée, je demande timidement si l’on va boire un café en attendant le bus, sachant la difficulté que j’ai moi-même signalée. T. ne veut pas. Nous attendrons le bus qui doit venir dans 25 minutes. T. propose qu’on parte à pied. D’accord, mais B. doit aller à l’hôpital. Il se révèle que ce n’est pas vrai.
Je suis à peine étonné et je comprends bien qu’il ait voulu éviter d’aller avec un vieux bonhomme, seul. L’autre jour, je pense qu’il a également trouvé une histoire d’évitement. Avec ses copains, c’est autre chose, apparemment. Et nous voilà partis pour Onex, par le parc des Evaux qu’ils connaissent mieux que moi ! Nous avons bu un café à la ferme, contemplé une carte du monde et deux cartes de la région.
Puis je leur propose un autre rendez-vous pour lundi prochain. Les trois sont d’accord. Pour faire quoi ? Essayer de voir du sport aux Vernets, ... ? Peu importe, ils s’en remettent à mes choix.
Alors que je feuilletais un livre présentant Genève –que j’ai emporté avec moi–, ils ont manifesté quelque intérêt pour la photo d’un cheval. Nous décidons d’aller jeter un coup d’oeil au manège tout proche. Nous n’y verrons pas grand-chose, mais... En marchant sur le trottoir, T. me dit qu’il aimerait suivre des cours de français, mais que l’assistant social lui répond toujours « Attendez ». « Bon,
alors voulez-vous que je vous donne un cours de français lundi prochain ? » à ma question, les trois répondent que oui, ils aimeraient bien pouvoir suivre un tel cours.
Nous décidons alors de se fixer cet objectif, à l’exclusion d’une visite improbable... […] » JJI